Chapitre 4 - "Let the Sun shine..."

 

En 1969 à San Francisco débute l'histoire d'un autre grand nom de l'histoire de la guitare basse dont la philosophie, l'organisation et les méthodes de travail sont à l'image des années 70. Il s'agit bien sur d'Alembic.

alembic.gif

L'homme à l'origine d'Alembic est un certain Augustus Stanley Owsley: à cette époque, il tirait la majorité de ses revenus de la production de LSD (ce qui était légal, à l'époque).

Tout naturellement, cet homme se retrouva dans la mouvance de la communauté d'amis et d'acidulés qui gravitaient autour d'un groupe mythique de l'époque, le Grateful Dead (grand consommateur de LSD !)

Certains des membres de cette communauté, inspirés par Owsley, installèrent dans un entrepôt où répétait le Grateful Dead à Novato (Californie) et lui donnèrent le nom d'Alembic, d'après le nom de l'appareil utilisé par les distillateurs.

CECI DEMONTRE A NOUVEAU QUE LA BASSE
ET LE BOURBON ONT DES POINTS COMMUNS !!

Continuons...

Au départ, le but d'Alembic était uniquement d'améliorer la qualité des enregistrements des concerts du Grateful Dead mais petit à petit ses activités s'élargirent à l'ensemble des techniques studio et scène: ils cherchaient à perfectionner les divers éléments utilisés par les musiciens (instruments, micros, systèmes de sonorisation et d'enregistrements...)

Bientôt, Alembic créa 3 divisions séparées: un studio d'enregistrement, une équipe "recherche et développement" pour les systèmes de sonorisation et un atelier de lutherie pour réparer et "customiser" les guitares.

Dans cette 3eme division se retrouvèrent Rick Turner, un ancien guitariste et réparateur de guitares et Ron Wickersman, un électronicien ayant fait ses armes chez Ampex (et non pas Ampeg) un fabricant de matériel d'enregistrement.

Grâce au talent de ces 2 hommes, le petit altelier se transforma vite en vraie fabrique de guitare et en 1970, Alembic devint une société à part entière, dont les capitaux étaient partagés par Turner, Wickersman et Bob Matthews, un ingénieur du son.
 

al7201.jpg
Alembic #001

Au début, les premieres réalisations de basse furent des customisations (ou "alembicisations") de guitares basses: les Guild Starfire à caisse creuse de Phil Lesh du Grateful Dead et de Jack Casady du Jefferson Airplane passèrent ainsi entre les mains expertes de nos allumés.

Jack Casady peut de plus revendiquer le titre de premier propriétaire d'une basse de marque "Alembic", l'Alembic #001 construite en 1971: cette basse est un tournant dans l'histoire de la basse et marque le début d'une gamme d'instruments qui devinrent vite une référence: utilisation de bois exotiques, électronique active de sophistiquée, manches conducteurs laminés, ...

En 1973, Alembic est sauvé de la faillite grâce à 2 évènements majeurs:

un article paru dans Rolling Stones Magazine encense la marque californienne et parle notamment "d'un groupe de hippies sympathiques, talentueux et accommodants, faisant de leur mieux pour s'entendre avec les gens conventionnels du monde des affaires".

clarke0.jpgA la même époque, Rick Turner rencontre à un concert de "Return To Forever" (le groupe de Chick Corea) un certain Stanley Clarke : à cette époque, celui-ci jouait sur une Gibson EB-2. A la fin du concert, Turner alla le voir et lui dit: "Ecoute: tu joues super bien mais tu as un son atroce..." . Il fit essayer au bon Stanley une basse Alembic qu'il avait judicieusement amené sous son bras: Stanley Clarke fut conquis.

Le tour était joué : Alembic devint une marque "in" et collectionna une clientèle huppée qui désirait avoir SA basse Alembic personnalisée: Alembic se sortit d'affaire et en profita pour standardiser une gamme de basses, basée sur la Guild Starfire (4 cordes, diapason court, moyen et long) et une autre gamme de basses à 6 cordes.

Alembic fabriquait aussi des guitares mais produisait à cette époque 20 fois plus de basses que de guitares, comme l'explique Turner : "les bassistes étaient très attirés par l'idée de techniques nouvelles, tandis que les guitaristes, eux, semblaient satisfaits de ce qu'ils avaient. En terme de matériel, les guitaristes semblent toujours plus conservateurs que les bassistes" (fin de citation)

almbeaver.gif
Alembic Series I

Le look des basses Alembic, manche laminé avec bandes de bois contrastés et accastillage de cuivre est inspiré des banjos haut de gamme des années 20 qu'adoraient Turner.

Un autre facteur de la renommée d'Alembic était le fait que d'une semaine sur l'autre, le corps des basses "standard" était composé de bois différents, selon l'humeur de Turner et les stocks de bois disponibles (noyer de Californie, acajou, myrte, zebrano, ...). Turner expliquait que de toutes façons, ce qui donnait le timbre de ses basses était le manche et que le bois n'était pas très important.

Confronté à cet état de fait, le distributeur - Heater- en tira un argument de choc : toutes les guitares Alembic étaient différentes, selon l'inspiration du luthier; chacun avait donc l'impression d'acheter une basse unique.

 

Alembic est également à l'origine d'une autre révolution: l'utilisation de la fibre de carbone. En 1977, un certain Geoff Gould qui travaillait dans l'aéro-spatiale et connaissait bien la fibre de carbone se rapprocha d'Alembic. Gould était bassiste et à la fin d'un concert du Grateful Dead, alla voir Phil Lesh et examina sa basse: devant le poids de l'intrument, l'idée lui vint d'essayer de fabriquer une basse en carbone, qui serait plus légère; il montra des échantillons de carbone à Turner qui décida de l'essayer pour des manches de basses, creux et à diapason court. En 1977, Alembic exposa un protoype à une foire commerciale; John McVie (Fleetwood Mac) acheta cette basse, la toute première réalisée en carbone.

sterling3.jpg
Manche de l'Alembic Sterling, conçue pour le 25eme anniversaire de la marque 

Alembic est à part dans le monde de la basse: créée par des hippies dans un but purement artistique, c'est la première marque de basse "haut de gamme": avec leurs accessoires luxueux et leurs options de personnalisation, les basses Alembic étaient les plus chères du marché (1200$ en moyenne en 1975 alors qu'à l'époque, la basse Fender la plus chère était vendue 430$). Alembic est aussi un précurseur ayant amené un nombre conséquent d'innovations, dont se sont inspirés nombre de fabricants.


Conclusion:

Comme quoi le LSD mène à tout...


 chapitre 2

chapitre 4